Le 25 juillet 1976, au cours de sa 35ème orbite, l'orbiteur Viking 1 survole vers 41° de latitude nord la fine bande de terrain qui sépare les hauts plateaux cratérisés de l'hémisphère sud des terrains bas et lisses de l'hémisphère nord. Dans ce secteur, connu sous le nom de Cydonia Mensae, la surface est disloquée en un grand nombre de collines, de buttes et de plateaux.
L'objectif de l'orbiteur était de certifier le site d'atterrissage de l'atterrisseur Viking 2. Si les scientifiques et les ingénieurs avaient bien sélectionné à l'avance des sites d'atterrissage pour les engins de la mission Viking, les orbiteurs devaient les certifier avant que les atterrisseurs n'entament leur descente vers la surface martienne. Cette précaution a largement contribué au succès de la mission, puisque les deux sites principaux choisis pour les atterrisseurs Viking 1 et Viking 2 se sont révélés au final bien trop accidentés.
Quelques jours plus tard, le 31 juillet 1976, un communiqué de presse de la NASA faisait mention d’une formation « ressemblant à une tête humaine ». Toutefois, les scientifiques de la NASA avaient déjà correctement interprété l’image comme résultant d’une illusion d’optique causée par l’angle d’illumination du Soleil, la morphologie de la surface de la formation et les ombres portées, qui donnaint l’impression que le massif comportait des yeux, un nez et une bouche.
En dépit de cela, le « visage de Mars » a été au coeur d’une vague de spéculation sur les origines et les significations de possibles structures artificielles sur la Planète Rouge, le « visage » lui-même devenant le sujet le plus largement débattu.
Pour quelques passionnés, l’ensemble des structures proches a même été considéré comme un paysage artificiel, avec de possibles pyramides, voire une cité désagrégée. L’idée que la planète ait pu, à une époque, abriter des êtres intelligents a depuis lors inspiré l’imagination de nombreux passionnés de Mars, et a été à l’origine d’une littérature pléthorique, plus ou moins sérieuse, allant d’articles dans la presse à des oeuvres de science-fiction et d’innombrables sites sur Internet.
Un évènement troublant et regrettable, qui va jouer par la suite en défaveur de la NASA, va avoir lieu au cours de cette conférence. Selon une rumeur persistante, Gerald Soffen (l'un des principaux scientifiques de la mission Viking) aurait confirmé la nature illusoire du visage en évoquant un deuxième cliché pris quelques heures plus tard, et sur lequel la formation humanoïde aurait tout bonnement disparu. Or il se trouve que ce fameux cliché n'existe pas, et pour une bonne raison : quelques heures après l'acquisition de la première photographie (prise, comme nous l'avons vu, à 6 heures du soir), le secteur de Cydonia était plongé dans la nuit ! Intentionnelle ou non, cette maladresse va apporter de l'eau au moulin des paranoïaques qui accuseront plus tard la NASA de dissimulation.
Néanmoins, l’interprétation scientifique formelle n’a pas changé : le prétendu « visage » n’a jamais été qu’une interprétation par l’imagination humaine d’une surface fortement érodée.
Il a fallu attendre avril 1998 et la confirmation par de nouvelles données collectées par la Mars Orbiter Camera, à bord de l’orbiteur Mars Global Surveyor de la NASA, pour que le mouvement de spéculation populaire sur la vraie nature du « visage » ne s’essouffle. D’autres données, recueillies en 2001 par le même orbiteur n’ont fait que confirmer cette conclusion.
Grand intérêt pour les géologues planétairesMême si ces formations ne sont pas le fruit d’une intelligence extraterrestre, elles n’en sont pas moins d’un intérêt significatif pour les géologues planétaires.
Dans les régions voisines de Cydonia, sur les surfaces en pente douce entourant les collines et les reliefs, on trouve fréquemment ce que l’on appelle des « tabliers de débris ». Ils se forment au pied des monticules résiduels et sont probablement constitués d’un mélange de débris rocheux et de glace. Dans la région de Cydonia elle-même, de tels « tabliers » sont souvent absents des massifs les plus petits. On estime que la formation de ces « tabliers de débris » pourrait résulter de la formation des talus, de la présence d’une masse de débris rocheux en pente à la base d’une falaise, et de glissements de terrain.
Sur le massif du « visage », on peut distinguer de tels glissements de terrains caractéristiques ainsi qu’une ébauche de « tablier ».
D’anciens « tabliers de débris » de plus grande taille pourraient avoir été recouverts plus tard par des coulées de lave dans les régions voisines. La façade ouest du « visage » a glissé au bas de la pente sans perdre sa cohésion. La zone de décrochement est matérialisée par un long escarpement qui s’étend du nord au sud. Les résultats d’une grande sape – un glissement des rochers vers bas de la pente – sont également visibles au pied des structures en forme de pyramides.
D’anciens « tabliers de débris » de plus grande taille pourraient avoir été recouverts plus tard par des coulées de lave dans les régions voisines. La façade ouest du « visage » a glissé au bas de la pente sans perdre sa cohésion. La zone de décrochement est matérialisée par un long escarpement qui s’étend du nord au sud. Les résultats d’une grande sape – un glissement des rochers vers bas de la pente – sont également visibles au pied des structures en forme de pyramides.
D’avril 2004 à juillet 2006, la caméra HRSC a recueilli des données sur la région de Cydonia à de nombreuses occasions.
Malheureusement, les survols à haute altitude n’ont permis des prises de vues qu’à faible résolution (orbites n°0262, 2533 et 2872) tandis que la présence de poussières et de brumes dans l’atmosphère martienne ont sérieusement réduit la qualité des données recueillies (orbites n°1216 et 2872), si bien qu’il avait été impossible jusque-là d’acquérir une imagerie de bonne qualité au-dessus de Cydonia.
Le 22 juillet, la chance a enfin été au rendez-vous au cours de l’orbite n°3253 et une large partie de la région de Cydonia a pu être photographiée par la caméra HRSC à la meilleure résolution possible et en 3D.
En fait, en plus du célèbre « visage » et des « pyramides », une structure naturelle dont la forme évoque un crâne apparaît également sur quelques unes des images réalisées par Mars Express.
Ainsi que le disait le célèbre scientifique, vulgarisateur et écrivain Carl Sagan : « L’imagination nous emmènera souvent vers des mondes qui n’existent pas, mais sans elle nous n’irions nulle part. »
sources:science.gouv.fr